Mont Fuji, un sommet et des cendres

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Mont Fuji, un sommet et des cendres

Un rêve de gosse, faire l’ascension du Mont Fuji

Partir au mois d’août n’est pas forcément la période que j’aime le plus. Mais cette année, mes obligations professionnelles m’ont amené à prendre mes congés en plein mois d’août. Vais-je aller au Japon en sachant que ce mois est redoutable pour ses températures très élevés ? Et franchement, la chaleur et moi on n’est pas très copain, voire pas du tout. Qu’est-ce qui pourrait me décider à franchir le pas et prendre un billet d’avion, cher, pour repartir au pays du soleil levant ?

La réponse peut s’exprimer sous la forme d’un chiffre : 3776.

Le compte est bon, c’est tout simplement l’altitude du Mont Fuji ! Ah j’y réfléchissais depuis longtemps, faire l’ascension de cette montagne sacrée. Un rêve, un objectif et surtout une énorme envie. Cette ascension ne peut se faire qu’en été, plus exactement du 10 juillet au 10 septembre.  Même si le Mont Fuji est accessible en tout temps, durant l’été, les refuges sont ouverts et les conditions météo raisonnables.

Après une réflexion, plutôt courte, le billet est pris.

Monter au sommet du Mont Fuji est très populaire au Japon, plus de 300 000 personnes le font chaque année. Le randonneur a le choix entre 4 chemins. Le plus populaire, le Yoshida trail voit passer plus de 200 000 personnes, embouteillage en vue. Mais gravir le Mont Fuji en faisant la “queue leu leu” n’est pas forcément mon trip. Cherchons alors la montée la moins empruntée. Le site officiel de la montée du Mont Fuji communique les stats de 2017 (en nombre de personnes) :

Yoshida 172 657, Shubashiri 23 475, Gotemba 18,411 et Fujinomiya 70,319.

Partons sur le chemin de Gotemba !

Un point important était d’être autonome. Pour cela, la location d’une voiture est une bonne solution. L’itinéraire est simple : gare d’Odawara, location de voiture puis direction la 5ème station de Gotemba. Le trajet en voyage dure 1h. Mais attention, toutes les stations n’acceptent pas la présence de voitures de tourisme durant la période estivale. Et bien cela tombe plutôt bien, car la seule station autorisant le parking est Gotemba. On ne peut accéder aux autres stations que par bus. Autre point non négligeable : nous réaliserons la montée de nuit pour admirer le lever de soleil. Un bon plan car la nuit d’hôtel économisée nous paye la location de voiture !

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Mais pourquoi la rando depuis Gotemba est-elle la moins empruntée ?

L’évidence est là, c’est le chemin le plus dur ou du moins le plus long.  Le parcours commence à 1400 mètres pour finir au sommet, à 3776 mètres. Sa distance est de 10,5 km. Un vrai trail. Il y a aussi moins de refuges que sur les autres ascensions.

Commençons l’ascension avec ce célèbre Haiku de Kobayashi Issa :

« Ô, escargot,
escalade le Mont Fuji !
Mais, doucement, doucement…»

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J’ai réalisé cette montée avec un ami, Romain. Ayant consulté quelques sites web, dont l’excellent article de ce bloggeur, la difficulté réside plus dans le changement rapide d’altitude que par la dureté du terrain. Pratiquant la course à pied et notamment le trail, la montée ne semble pas poser de problème. A la 5ème station, on retrouve d’ailleurs une ambiance trail avec des panneaux Salomon et des grandes affiches trail, cela fait plaisir.

Mais revenons au départ. Il est 18h nous arrivons au parking sous une légère pluie avec quelques bourrasques de vent. Nous questionnons d’autres marcheurs et ils nous rassurent sur les conditions de la montée. Cependant, 10 minutes plus tard, nous les voyons repartir en voiture. Bizarre, auraient-ils changé d’avis. Après un petit sandwich de noddles acheté au combini, nous nous mettons en tenue : chaussures de randonnée, polaire, veste avec capuche, tee-shirt de rechange, gant, cape de pluie et quelques barres céréales avec chacun un minimum d’1 litre d’eau. Nous sommes prêts et j’ai rechargé le forfait data de mon téléphone. Juste avant de partir, nos voisins nous signalent quand même que les conditions de vent sont importantes. Nous voilà au moins dans le bain.

Une ascension unique

Il est proche de 19h, nous passons la 5ème station et voyons le panneau, Sommet Mont Fuji 10 km. C’est parti. Très vite la nuit est là et nous allumons nos frontales. Passé un petit refuge annonçant la montée, nous commençons à goûter au terrain du Mont Fuji. C’est essentiellement du sable de cendre où nos pas s’enfoncent, ce n’est pas très agréable et je recherche au maximum un terrain plus dur. Cette portion s’appelle “Osunabashiri” et est assez populaire. La sensation de s’enfoncer dans les cendres est une attraction au pays du soleil levant, en tout cas cela complique la montée ! Une corde blanche longe le sentier pour éviter de se perdre. Le vent est de plus en plus important. Mais quelle sensation d’être sur la pente du Mont Fuji. Un petit regard en arrière et nous voyons les lumières des villes. Un peu plus loin, quelques orages, mais nous ne devrions pas être impactés. En tout cas, il ne pleut pas et c’est déjà ça.

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Nous avançons péniblement avec le vent et nous arrivons au panneau 2000m d’altitude. Nous pensions en avoir fait plus, mais nous voyons au loin les lumières de la 7ème station où se trouvent des refuges. Que ces lumières semblent loin ! Le rythme est régulier, mais Romain commence à se sentir un peu mal. En effet, même s’il fait du sport, mon rythme de randonneur/traileur est sans doute trop rapide. Je ralentis l’allure et l’encourage à monter.

Pour rejoindre la 7ème station, il faut compter au moins 4h. Nous y arrivons vers les 23h30, mais Romain est au plus mal. Le vent est très fort et heureusement nous n’avons eu qu’un épisode pluvieux très court.

Nous décidons de faire une pause dans un des refuges. Nous entrons et nous nous installons rapidement dans un des emplacements prévus pour les randonneurs. Mais difficile de trouver le sommeil et la température a chuté, il ne fait pas plus de 11°c dans le refuge. Au bout d’1h30, nous décidons de reprendre la marche avec des affaires sèches.

À partir de la 7ème station, le terrain est plus praticable avec moins de sable mou. Le chemin de randonnée est en serpentin afin de diminuer la pente. En prenant un rythme régulier, l’ascension est  plus une gestion du temps que de l’effort. L’émerveillement est omniprésent et être seul sur la pente du Mont Fuji est un moment que je ne suis pas près d’oublier. Plus nous montons, plus une mer de nuages s’installe avec les lumières des villes en dessous. J’ai considéré ce moment comme un privilège, celui d’avoir la chance d’arpenter la pente du Mont Fuji. La montée est longue, mais j’y prends vraiment du plaisir. J’attends Romain à intervalle régulier. Il monte à son rythme et va piocher au plus profond de soi pour réaliser l’ascension. Il peut être fier de son exploit. 

Nous passons la 8ème station et le sommet n’est plus très loin, enfin encore quelques dizaines de minutes. Le terrain est beaucoup plus rocailleux, mais du coup plus facile. La difficulté réside dans la gestion de son effort. Le vent est toujours présent, mais nous pouvons distinguer au loin un torii blanc annonçant le sommet.

Il va être proche de 4h du matin, nous sommes au sommet du Mont Fuji.

Pas tout seul, car de nombreux randonneurs sont présents, mais quelle sensation de voir le soleil se lever. Malgré le froid, on grelotte, nous sommes dans un autre monde, fiers d’avoir accompli cette ascension.

Nous restons quelques dizaines de minutes à contempler le jour se lever sur une mer de nuages. La caldeira du Mont Fuji est sous nos pieds. De multiples nationalités sont présentes et font des photos. Nous rencontrons même deux jeunes Français, pas forcément bien équipés, mais très heureux d’être au sommet.

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L’Onsen nous attend

Il est déjà l’heure de redescendre. Le soleil est présent et nous découvrons notre parcours en plein jour. La roche est omniprésente. Nous sommes dans un autre univers. Nous pratiquons une descente sans risque et prenons le temps de faire des pauses et quelques photos.

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Nous descendons cependant assez rapidement pour arriver au niveau de la 7ème station. Le chemin de descente devient alors différent de celui de la montée. Mais le sable qui nous avait un peu rebuté au début se transforme en amortisseur de choc. La descente à partir de là est plus facile, mais les cuisses prennent chères. Nous atteignons une large descente avec la mer de nuages devant nous. Nous pensions qu’à l’arrivée au niveau de la mer de nuages, nous allions retrouver la 5ème station. Que nenni, nous franchissons la barrière naturelle et découvrons un paysage grandiose… mais en aucun cas l’arrivée qui est un tout petit point en bas dans la vallée !  2 bonnes heures de descente s’offrent à nous. Le soleil tape et la fatigue se fait sentir, mais la beauté du paysage est sans aucun doute le meilleur des supporters.

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Durant la descente, nous nous retournons et constatons notre chemin, on a du mal à croire que nous étions en haut. Je ne sais pas comment nous aurions réagi si nous l’avions fait de jour.

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Il est 9h du matin et nous retrouvons notre petite voiture bien sagement garée sur le parking. Hop nous nous changeons rapidement et direction un onsen qui puise son eau au pied du Mont Fuji. Belle expérience nous avons même le droit à une vue sur le Mont Fuji.

Mon rêve s’est accompli accompagné d’une forte envie d’y retourner. Finalement, j’ai trouvé un nouveau challenge, faire la montée du Mont Fuji par ses 4 chemins. Mais un autre projet un peu fou se cache aussi : s’inscrire au trail du Mont Fuji qui a lieu en avril. Plusieurs distances et je vais sans doute me lancer dans l’inscription de la STY, la plus courte distance (97 kms quand même) en octobre. Le paysage est unique et courir autour du Mont Fuji doit être immense.


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